Quelque soit votre métier, vous avez déjà eu l’obligation de vous présenter, et tenter d’expliquer ce métier. Chauffeur de taxi, président de la république ou boulanger, sont des métiers dont le nom résume assez bien la fonction…
Mais éditeur ou écrivain ?
Un de mes auteurs, Théophile, m’expliquait récemment, son dilemme quant à afficher, ou pas, qu’il gagnait sa vie par l’écriture. Le jour où son postier lui a remis son premier contrat d’édition, il était heureux, fier et voulait le partager avec tout son entourage :
« à partir d’aujourd’hui, je suis écrivain… » Il a vite déchanté. Pour la grande majorité des gens, un écrivain, un auteur, s’il est quelqu’un d’à part, dans notre société, c’est aussi, dans la croyance populaire, une sorte de fainéant qui passe ses journées dans son bureau, à fumer des cigares, lire le journal, regarder la TV, fréquenter les cafés et se promener avec un carnet, en attendant que sa muse lui fasse signe. Un écrivain ne fait aucun effort, il a un don. Et, de temps en temps, il tape sur sa machine à écrire, ou dicte à sa secrétaire ses réflexions sur la vie, en sirotant un whisky. Bref, un auteur se laisse vivre et gagne beaucoup d’argent. Il signe des autographes et des dédicaces dans les librairies, et participe à des émissions de télévision littéraires. C’est donc un « intello » qui a une opinion sur tout et « glande » dans sa vie facile…
Et Théophile de conclure : « J’ai renoncé à expliquer que je travaillais minimum deux ans, à temps plein, 10 à 12 heures par jour, pour écrire et corriger un seul livre. Et j’ai fini par ne plus en parler. Pour ceux que je rencontre qui ignorent encore que j’écris, je suis « homme au foyer », et c’est mon épouse qui travaille… À quoi ils répondent souvent : « Oui, mon frère aussi est au chômage… »
Suite à cette conversation avec Théophile, j’ai décidé de partager avec vous sur ce sujet, pour vous raconter comment, au fil du temps, j’ai appris à me présenter; même si, encore aujourd’hui, cela reste parfois un exercice périlleux, qui change d’un interlocuteur à l’autre.
Mais pourquoi est-ce si difficile de se présenter ?
Se présenter est difficile, car cela dépend de qui vous avez en face de vous, et quelle est votre vision de votre profession. Souvent, la réelle difficulté vient de la façon de se présenter, à des gens qui ne connaissent pas le Monde de l’édition.
Que nous soyons auteur ou éditeur, ce qui nous anime, c’est la passion avant tout : passion des livres, de l’écriture, et d’un ou de plusieurs sujets bien précis.
Théophile Montagne, l’auteur dont je citais les réflexions plus haut, est un auteur de méditations guidées. Il a décidé d’écrire sur son sujet de prédilection : le bien être par la méditation et la concentration intérieure. Il a longtemps cherché des solutions pour pallier à certains désagréments de tous les jours, devenus insupportables qui empoisonnaient sa vie. Il a trouvé ses solutions personnelles, et les a amélioré pour les offrir à d’autres, qu’il a rencontré par les hasards de la vie. Les retours d’expériences qu’il en a eut, lui ont fait prendre conscience qu’il était devenu, lui même, cet expert qu’il avait cherché si longtemps, sans le trouver. Par cette conversation récente qu’il a partagé avec moi, il m’exprimait son désarroi de ne plus savoir comment se présenter :
* Pas comme écrivain, trop connoté « glandeur-fainéant »;
* Pas comme thérapeute, trop typé « gourou »…
Cette semaine, il a décidé de tenter la version « producteur de cd audio »…
Il me tiendra au courant, si cette étiquette lui donne satisfaction.
Le cas « éditeur » :
Si vous avouez être éditeur, vous avez une chance sur deux d’être interpellé par votre interlocuteur. « Hé, c’est super, ma mère, mon beau frère ou mon oncle, a écrit un livre, je vais lui donner votre adresse. Soyez cool avec lui, je compte sur vous… »
Et vous découvrez très vite qu’un bon tiers de la population rêve d’être édité…
Soit votre interlocuteur attend de vous un retour, parce que vous lui devez un service (vrai ou supposé); soit il estime qu’avoir fait votre connaissance lui suffit, pour être votre nouvel intermédiaire, et se vantera à tous vents « qu’il connaît un vrai éditeur, qu’il se fait fort de faire éditer votre nièce… »
Comment faire, sans vexer personne ?
Comment bien se présenter ?. Au début, j’ai fait toutes les erreurs : j’acceptais les manuscrits, en assurant que j’allais les lire et donner mon avis… Pour découvrir, très vite, qu’accepter de prendre un manuscrit pour le lire, signifiait, pour les gens qui le remettaient, une acceptation à éditer ledit manuscrit !…
Et s’il y a une chose très désagréable quand on est éditeur, c’est le quiproquo qui force la main.
En résumé
Un auteur ou un éditeur ne sont pas des moutons à cinq pattes.
Ils ne sont ni des auteurs « fainéants-glandeurs » ni des éditeurs obligés de vous éditer.
Auteur ou éditeur, sont deux métiers exigeants, qui nécessitent des compétences, du savoir-faire, et beaucoup de travail, pour, souvent, un très petit résultat, voir pas de résultats du tout…
Si vous me rencontrez, manuscrit en main, c’est lors d’un salon du livre, quelque part en Europe. Je vous remettrai alors, en échange de votre précieux manuscrit, un reçu de dépôt, en vous indiquant que notre comité de lecture vous donnera une réponse prochainement, que vous devez être patient, et que ledit comité de lecture donne toujours une réponse, bien que dans plus de 80% des cas, elle ne sera pas celle attendue…
Si vous me croisez dans ma vie privée, je ne prendrai pas votre manuscrit, mais vous donnerai l’adresse du comité de lecture des Éditions Abondance à qui vous l’enverrez vous même. Je vous informerai aussi que je n’influence pas le comité de lecture qui prendra seul la décision. Si, au moins, 50% de ses membres sont pour, le livre est édité, si le résultat est inférieur à 50%, le livre ne sera pas édité.
Mais grande est la tentation d’imiter mon ami Théophile, et sa réponse « je suis homme au foyer »… Pour l’instant, je résiste encore…
En attendant, une toute bonne journée à chacune et chacun.